21, rue Visconti


Cour du 21, rue Visconti par Atget en 1910. BHVP, cliché BER.


Histoire

L'histoire du terrain de cette maison se confond avec celle du petit Pré-aux-Clercs jusqu'en 1546. Le 5 mai 1546, Pierre le Clerc baille la parcelle originelle pour la première fois. Il s'agit alors d'un terrain nu de 1 200 m² environ qui comprend l'emprise des actuelles parcelles du 21, rue Visconti et 28 rue Jacob.


Acte de naissance de la parcelle du 21, rue Visconti et 28 rue Jacob, avec le bail de Pierre Le Clerc donné
à Jean Courjon le 5 mai 1546 sur parchemin. Archives Nationales, cliché BER.


Le terrain nu est transmis à Jean Beddon le 24 janvier 1547 avec, écrit noir sur blanc dans le contrat, l'obligation de faire bâtir une maison dans les 4 ans. Ce sera chose faite et la maison sera décrite en 1582 comme étant constituée de deux petits corps d'hôtel, cour et jardin.

Vers 1660, la maison est démolie et 2 maisons séparées sont construites, l'une coté rue Jacob, l'autre coté rue Visconti. Les parcelles seront définitivement séparées le 16 mai 1665 avec la vente de la maison coté rue Visconti, indépendamment de l'autre (on signale encore à la fin du 19e la possibilité de créer un passage entre l'immeuble et le 28, rue Jacob).

La maison qui donne sur la rue des Marais comporte alors trois corps de bâtiment de deux étages, l'un sur la rue, les deux autres en aile. Chaque étage a six pièces et le tout est couvert de tuiles. La maison est bâtie sur deux grandes caves voûtées, avec aussi une porte cochère, un grand et un petit escalier, cuisine, lavoir et garde-manger. Il y a une cour au milieu de la maison, avec un puits dans un coin, une écurie avec une salle au dessus au fond à gauche, une remise pour 4 carrosses au fond à droite. La maison de l'époque ne devait guère différer de la maison actuelle qui est organisée exactement de la même façon.

La maison a vraisemblablement été rebâtie par Louis d'Argouges, marquis de Ranes, maréchal de camp du Roi, qui achète la propriété en 1714. L'hôtel particulier prend d'ailleurs le nom d'hôtel de Ranes (parfois orthographié Rannes, Rasnes, ou Rancs). Ses héritiers s'y sont maintenus jusqu'en 1837.


Porte cochère photographiée par Pottier en 1914. BHVP, cliché BER.


La maison du 21, rue Visconti présente alors une façade en pierre de taille qui sera revue à la fin du XVIIIe siècle, avec ferronneries de style Louis XVI composée de trois étages carrés surmonté de greniers aménagés, et de deux ailes sur cour. Son entrée à large arcade charretière est remarquable et est parfois représentée sur des plans anciens. Ses intérieurs ont été réaménagés à de nombreuses reprises.

Il existait en particulier une belle rampe d'escalier de style Louis XIV qui a été vendue sans doute au début du 20e siècle probablement à l'occasion de la réduction de la cage d'escalier pour créer des cuisines. La rampe a été achetée par un antiquaire et est désormais installée dans l’hôtel du 76, rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris, chez Sotheby's. La rampe a été visiblement remaniée, rehaussée d'ornements dorés et découpée en plusieurs tronçons et parfois refaite en s'inspirant de l'original (voir photo ci-dessous à droite).


Ancienne rampe d'escalier du 21, rue Visconti (à gauche), vendue et finalement remodelée et installée au 76, rue du Faubourg Saint-Honoré (à droite, actuellement chez Sotheby's, en face du Palais de l'Elysée). Archives privées, cliché BER.


Au milieu du 19e siècle et jusqu'en 1914, on a cru que Racine y était mort, ainsi que d'autres célébrités. A partir d'une tenace tradition orale, le docteur Poumiès de la Siboutie, qui a acheté la maison aux héritiers de de Ranes en 1837, fait poser une plaque de marbre noir indiquant "Hôtel de Ranes, bâti sur l'emplacement du Petit-Pré-aux-Clercs. Jean racine y mourut le 22 avril 1699, Adrienne Lecouvreur en 1730. Il a été habité aussi par la Champméslé et Hippolyte Clairon". Cette inscription induira en erreur des générations d'historiens qui affirmeront que Racine est mort à l'hôtel de Ranes sans le vérifier (voir pour cela le récit détaillé dans la page Où est mort Racine ?).

Une seule de ces célébrités a en réalité habité l'immeuble, à savoir Hippolyte Clairon qui en loua l'aile droite.

L'hôtel de Rannes est une des maisons de la rue qui a le plus changé de numéro au cours de son histoire (voir la page sur le numérotage de la rue). Son numéro a d'abord été le 2 vers 1780 (numérotage royal), puis le 1315 en 1790 (numérotage révolutionnaire), puis le 19 en 1805 et enfin le 21 en 1849.

Le 21, rue Visconti a abrité quelques personnalités comme le critique littéraire Mario Proth à la fin du XIXe, l'éditeur des Beaux Romans, Henri Jonquières dans les années 1920-30, le peintre graveur Constant Le Breton jusqu'à sa mort en 1985.

Pour la petite histoire, le sommier foncier aux Archives de Paris donnent la liste des locataires du 21 en 1863. On y trouve pêle-mêle un Mr Cannerat, libraire, Mr Couder, boucher, Mr Bertel, employé, Mme d'Amaury, rentière, Mr Guibout, employé, Mme testot, institutrice, etc.

Dans "Le Guide du Promeneur ; 6ème arrondissement" de Bertrand Dreyfuss, 1994, on lit à propos du 21 : "L'hôtel du 21 de la rue est un bâtiment du XVIIe, s'ouvrant sur cour, de fort belle allure. Ses murs mangés par une superbe vigne vierge offrent à l'oeil son agréable verdure, par ailleurs si absente du secteur".


Vigne vierge du 21, rue Visconti, été 2005. Cliché BER.




Lignée complète des propriétaires du 21, rue Visconti de 1540 à 1950
Réalisée grâce aux données collectées aux Archives de Paris (sommiers fonciers), Archives Nationales (Déclarations au Terrier, Minutier Central, Mémoire sur le petit Pré-aux-Clercs), Bibliothèque Historique de la Ville de Paris (Atlas de Censive de l'Université) et dans les archives familiales.

L'histoire du terrain de cette maison se confond avec celle du petit Pré-aux-Clercs jusqu'en 1543, date à laquelle Pierre le Clerc qui a acquis le Pré de l'Université commence à le bailler. Le terrain sur lequel le 21 rue Visconti sera construit est baillé par Pierre le Clerc à Jean Courjon, bourgeois de Paris le 5 mai 1546. Il s'agit d'un terrain nu de 1 200 m² environ, qui comprend l'emprise des actuelles parcelles du 21, rue Visconti et du 28 rue Jacob.


Forme du petit Pré-aux-Clercs superposée au cadastre actuel, et les 11 lots tracés par Pierre le Clerc.
Le lot concernant le 21 rue Visconti est en vert, à gauche de l'image et joint la rue Jacob.


Jean Courjon cède ses droits à Jean Beddon le 24 janvier 1547, qui y bâti une seule grande maison. Il revend le tout 35 ans plus tard, le 2 août 1582 à François Coquet de Pontchartrain et Héleine de Servient son épouse qui eux-mêmes le cèdent par échange en novembre de la même année à Jean Honoré de Bagis.

Sa fille, Marie Honoré en hérite alors qu'elle est mariée à Claude Thiballier, écuyer et sieur d'Anglurre. A son tour, leur fille, Marie Thiballier, en hérite et fait abattre la maison et en fait reconstruire deux neuves.

C'est Louise Thiballier, la fille de Marie, qui sépare la parcelle du 21, rue Visconti de celle du 28, rue Jacob en vendant le 16 mai 1665 la maison qui donnait sur la rue des Marais à Georges Baudoin, contrôleur de la maison du roi, tout en gardant sa maison qui donnait sur la rue Jacob (rue du Colombier, à l'époque).

Georges Baudoin perd la parcelle du 21, rue Visconti par adjudication, un an plus tard, au profit de Guillaume Juge, secrétaire du roi et Marie Haslé, veuve de Michel Petit. La maison est donc partagée en deux.

La part de Guillaume Juge échoit à son fils Guillaume le Juge sieur de Bouzonville le 14 août 1689. Ce dernier vendra sa part le 22 novembre 1713 à Louis d'Argouges, Marquis de Ranes.

La part de Marie Haslé veuve Petit est héritée par ses enfants et attribuée par partage à l'un d'eux, Jacques Petit, le 9 novembre 1680. A sa mort, sa part revient à ses sœurs qui la vendront le 18 décembre 1713 à Louis d'Argouges, Marquis de Ranes.

Ainsi, fin 1713, Louis d'Argouges, Marquis de Ranes réunit en un seul lot la maison de l'actuel 21, rue Visconti.

Son fils Charles-Louis en hérite et décède en 1787. Sa femme, Louise Melchior de Carbonnière en hérite le 1er décembre 1787. A sa mort, c'est son neveu, Paul Antoine Félicité de Carbonnière qui le reçoit en qualité de légataire universel de sa tante.

Le fils de Paul Antoine, Joseph Stéphane Hugues Marquis de Carbonnière en hérite à son tour et, après être restée 124 ans dans la famille d'Argouges de Ranes, il vend la maison le 12 juin 1837 à François-Louis Poumiès de la Siboutie, docteur-médecin et Félicité Delpont, sa femme.

Le 28 juin 1855, Félicité Delpont décède sans enfant et son mari hérite de sa part en tant que légataire universel.

François-Louis Poumiès se remarie en 1857 et décède en 1865. Elodie Foulcon de la Roquette, sa veuve et leurs trois filles mineures Noémie, Denise et Françoise, en héritent. Noémie meurt en 1869 et ses sœurs héritent de ses parts.

Par partage, Françoise Poumiès de la Siboutie, épouse de Louis Dagoury, devient unique propriétaire du 21, rue Visconti le 29 octobre 1892. Mais Françoise meurt sans enfant le 27 février 1917 et la succession désigne sa sœur comme héritière, Denise Poumiès de la Siboutie, épouse d'Antoine Branche. Louis Dagoury conservera jusqu'à sa mort l'usufruit d'une partie de l'immeuble.

Par donation-partage du 16 avril 1939, l'immeuble est divisé entre Céline Branche épouse Thiard et Louis Branche, les enfants de Denise Poumiès et Antoine Branche. La suite est de l'histoire contemporaine !





Galerie

.
Porte cochère du 21, rue Visconti vue depuis la cour vers la rue ; dans O. Charpentier, A travers le quartier Latin, vers 1930.
Cour du 21, rue Visconti. Aquarelle par Mme David en 1936.
Ancienne rampe Louis XIV en fer forgé, vendue à la fin du 19e.
Porche du 21, rue Visconti par Etmonts le 21 octobre 1885.
Porche du 21, rue Visconti par Pottier en juin 1914.
Plaque commémorant les célébrités qui auraient habité au 21, rue Visconti, détail, par Pottier en juin 1914.
Porche du 21, rue Visconti par Eugène Atget en 1910.
Entrée du 21, rue Visconti par Eugène Atget en 1910.
Cour du 21, rue Visconti par Eugène Atget en 1910.
Cour du 21, rue Visconti par Eugène Atget en 1910.
Cour du 21, rue Visconti par Eugène Atget en 1910.
Porte cochère du 21, rue Visconti en 1889.

Entrée du 21, rue Visconti, aujourd'hui.

Détail du 21, rue Visconti.

Détail du 21, rue Visconti.

Entrée l'escalier principal dans la cour du 21, vers 1902. Les personnages sont les propriétaires de l'hôtel à l'époque, les familles Dagoury et Branche.
Voir la comparaison Avant/Après.

Le docteur Poumiès de la Siboutie qui acheta l'hôtel de Ranes en 1837.

Aile est de l'immeuble, vue depuis la cour, avant la guerre. Aquarelle par Mme F.S.

Cour du 21 rue Visconti.
Dessin : Jean-Louis Fromenty.

Une vue presque nostalgique
d'un coin de cour du 21 rue Visconti...
Gravure : Sophie Ricard (2004 EA).

Escalier principal de l'Hôtel de Ranes en 1888, tiré d'un article du Bulletin de la Société des Amis des Monuments Parisiens.

Bois gravé de C. Le Breton dans les années 60.
Cour intérieure du 21 rue Visconti.
Bois gravé de C. Le Breton dans les années 60.
Cour intérieure du 21 rue Visconti.
Voir la comparaison Avant/Après.

Bois gravé de C. Le Breton dans les années 60.
Au premier plan à droite, on voit le terrain vague du n° 23. Plus loin, le n°21 a vu ses fondations déstabilisées par le creusement du parking du 23 : l'immeuble a légèrement glissé et a été étayé pendant plusieurs années.
Voir la comparaison Avant/Après.
Immeuble du 21, rue Visconti.
Porte cochère du 21, rue Visconti, présentée comme la Maison de Racine).
Cadastre (plan du rez-de-chaussée) levé par Philibert Vasserot au cours de la première moitié du 19e siècle.
Vigne vierge sur la façade coté cour, juillet 2005.
Idem, novembre 2005.
Idem.


Contact : webmaster@ruevisconti.com