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Histoire de la rue par les cartes


La consultation des cartes de Paris à toute époque est d'un intéret certain mais qu'il faut relativiser pour les cartes très anciennes. Les premières cartes connues de Paris datent du milieu du 16ème siècle et certaines sont considérées comme très fantaisistes, d'autre un peu moins. Il suffit pour cela de comparer ce que disent les textes sur le tracé des rues dans le Pré-aux-Clercs pour s'en rendre compte.

En effet, bien que la rue existe depuis plusieurs décennies, les cartographes continuent à représenter le terrain complètement nu, ou partiellement loti. Il est clair que les cartographes ont copiés les uns sur les autres, les détails étant parfois exactement identiques sur des cartes distantes de 20 ans, alors que le quartier avait radicalement changé. Sur d'autres cartes, les tracés sont imprécis ou erronés.

Il ne faut donc pas prendre les cartes au pied de la lettre mais les voir comme donnant une idée générale des choses. Il sera plus aisé pour le lecteur de jeter un coup d'oeil sur la page Histoire de la rue Visconti pour mieux comprendre l'analyse présentée ici.
Cet extrait de carte montre la zone comprise entre le site de la future abbaye Saint-Germain-des-Prés et la Seine à l'époque des romains. On y voit le "Temple d'Isis", installé sur un mamelon, au sud duquel passe un chemin (aujourd'hui c'est le boulevard Saint-Germain pour partie et la rue Saint-André-des-Arts pour le reste et qui rejoint le point de passage de la Seine, à la hauteur de l'actuel Petit Pont. En haut à droite de l'image, on distingue la pointe de l'Ile de la Cité. Le terrain entre le Temple et la Seine, au nord, est celui sur lequel la rue Visconti et les rues environnantes seront tracées. La zone est déserte et semble en friche.

(Lutèce conquise par les François sur les Romains
ou second plan de la ville de Paris, tracé en 1705)
Cet extrait de carte représente le même espace au 12ème siècle. Le terrain ne s'est pas davantage structuré, mais le nom "Terre de Laas" apparaît. Il s'agit du nom du clos renfermant des vignes, des champs et de la garenne et qui allait en gros de l'actuelle rue Bonaparte aujourd'hui, au Petit Pont. L'abbaye a été fondée et elle s'entoure de quelques batisses.

Le Paris de l'antiquité se développe (cliquer sur l'image pour avoir une vue plus large), mais l'abbaye reste encore loin.

(Troisième plan de la ville de Paris, son étendüe et les bourgs dont elle étoit environnée sous le regne de Loüis le Ieune VIIe du nom, tracé en 1705)
Sur ce plan, le nord est pointe vers la gauche. On y voit la cours de la Seine à gauche, et l'église Saint-Germain-des-Prés à droite, entourée de son enceinte créée en 1368. En haut de l'image, on voit la muraille de Philippe-Auguste (1202) et au pied, ses fossés alimentés par l'eau de la Seine. Le chemin qui bordait le fossé à cet endroit correspond aujourd'hui à la rue Mazarine.

Ce plan, daté de 1550, représente plus la situation du 14ème ou 15ème siècle car dans la réalité, le terrain compris entre l'abbaye et la Seine est déjà entièrement loti. On voit donc ici le terrain tel qu'il était à cette époque : peu d'habitations existent en dehors des murs, il s'agit pour l'essentiel de champs, comme le confirme l'enluminure de Juin des très riches heures du Duc de Berry, vers 1413.
(Plan de Munster, 1550)
Le Faubourg Saint-Germain en 1550.
Ce plan montre la même aire que le plan précédent. Le terrain semble se structurer et des chemins apparaissent. Le chemin au dessus du cartouche de légende correspond à la rue de Seine. La parcelle partiellement couverte par le cartouche est le petit Pré-aux-Clercs, sur lequel sera tracée la rue Visconti. On aperçoit aussi l'amorce de la future rue Bonaparte au bas de l'abbaye.
(Plan Braun-Hogenberg, 1572)
Le plan dit "de Bâle" datant de 1552 (antérieur au précédent, cela montre une incohérence dans la chronologie) montre une structuration du terrain encore plus marquée.

Des zones habitées apparaissent au pied de l'enceinte, mais hors de la ville. Déjà le futur tracé des rues est clairement défini. La rue de Seine, en particulier, permet de se repérer et de reconnaître l'îlot situé plus bas sur l'image. On y devine donc la parcelle du "Petit Pré au Clercs", noté sur ce plan "Le Pré au Clers" où quatre personnages, les fameux Ecoliers (les clercs) ?, semblent jouer. Sur cette parcelle apparaît un embryon de rue qui est le début de la rue des Marais, future rue Visconti.

(Plan de Bâle, 1552)
Faubourg Saint-Germain en 1552. Avec la permission de Paris Pages.
De même que sur le plan de 1552, on voit apparaître des maisons sur ce plan de 1575 (qui semble être en partie copié du précédent, du reste). Sur la parcelle numérotée "53" (la légende confirmant qu'il s'agit bien du Pré aux Clercs), apparaît, coté rue de Seine, une série d'habitations, et, vers le sud de la parcelle (donc vers le bas de l'image), la rue des Marais qui avance sans traverser complètement le pré.

(Plan de Belleforest, 1575)

Avec la permission de Paris Pages.
Ce plan présente la même situation que les deux précédentes, mais de façon plus détaillé. On y voit par exemple mieux les maisons qui bordent le Pré-aux-Clercs, bien qu'il soit difficile de dire si cette représentation était fidèle à la réalité.

Du coté de la rue de Seine, la rue des Marais semble surtout bordée par deux maisons avec de grands jardins qui s'étendent presque sur toute la longueur de la rue. Peut-être que la rue n'était à l'époque qu'un chemin de séparation entre ces deux jardins, ce qui en expliquerait l'étroitesse...

Copie d'un plan inconnu par Dheulland, 1756
Sur ce plan de 1609 (le nord point en bas à gauche de l'image) la représentation du quartier semble conforme à la réalité décrite par les écrits de l'époque. La rue des Marais y appraît totalement lotie, on voit même sur la partie droire du pâté de maison le plus proche de l'abbaye, le terrain acheté par Baptiste Androuet du Cerceau, plus vers l'intérieur de la rue, la parcelle du 21 rue Visconti/28 rue Jacob.

Le pâté de maison au nord de la rue (donc en bas de l'image) va d'un seul bloc jusqu'à la Seine. C'est là qu'en 1609 la Reine Marguerite de Valois fait bâtir son palais.
Plan Quesnel, 1609
Sur cet extrait de plan (cliquer pour élargir le champ) on voit en haut à droite de l'image, le pâté sud de la rue des Marais (les numéros impairs) et en face, noté "91", la parcelle nord de la rue qui descend jusqu'à la Seine. Ce plan y montre le palais de la Reine marguerite, palais qui se poursuivait de l'autre coté de la rue Bonaparte et dont les jardins s'étendaient jusqu'à l'assemblée nationale.

En haut à gauche, les fossés de la muraille Philippe-Auguste semblent désormais à sec.
Plan Visscher, 1618
(Plan Turgot, 1739)
Cet extrait du plan Turgot montre a peu près la même vue que le précédent. Chaque bâtiment est extrèmement détaillé au point qu'on y reconnait l'hôtel du 21, rue Visconti (juste à droite du grand jardin du pâté sud de la rue), pratiquement inchangé. On voit aussi que le terrain de Baptiste Androuet du Cerceau a été divisé en plusieurs parcelles. Dans le pâté nord (en bas à gauche de l'image), le palais de la Reine a été détruit et partiellement remplacé en 1640 par l'hôtel de la Rochefoucauld, aussi appelé Hôtel Liancourt. Sur la vue élargie, on voit qu'un autre hôtel, proche de l'Institut est encore appelé Hôtel de la Reine Marguerite, mais il ne s'agit que d'un des petits hôtels qui ont remplacé l'original.

Sur la vue élargie de ce plan (cliquer sur l'extrait), la muraille Philippe-Auguste a disparue pour laisser sa place au Collège des Quatre Nations, rebaptisé en Palais de l'Institut.
Le tracé des rues du faubourg Saint-Germain reste en fait inchangé du début du 17ème à la fin du 19ème siècle.

Ce plan montre par exemple le quartier en 1771 : le couvent des Petits Augustins est devenu l'Ecole des Beaux-Arts, la rue des Petits Augustins est devenue la rue Bonaparte, la rue des Marais, la rue Visconti et la rue du Colombier, la rue Jacob. On y voit aussi les deux hôtels mentionnés plus haut.

Par rapport à aujourd'hui, il manque la rue des Beaux-Arts, percée 55 ans plus tard, et la rue de l'abbaye.

(Plan de Vaugondy, 1771)
Voici le dernier plan pré-haussmannien. La rue des Beaux-Arts a été percée sur les ruines de l'hôtel Liancourt et la rue de l'abbaye a été ouverte à travers les "annexes" de l'abbaye, de même que la "rue Saint Germain des Prés" (rue Bonaparte) prolongée jusque devant l'église.

Paris attend désormais fébrilement le prochain boulversement se produira à la fin du 19ème siècle avec les travaux du baron Haussmann qui "nettoyera" les abords de l'abbaye pour laisser l'église nue en créant le boulevard Saint Germain et la place Saint-Germain-des-Prés.

Heureusement ceux-ci n'affecteront par la rue Visconti, mais il s'en est vraiment fallu de peu : on l'a échappé belle !

(Plan de Paris, 1839)
Voici le quartier dans son aspect actuel. Pour mémoire, les limites de l'abbaye étaient formée par les rues Jacob au nord, Saint Benoit à l'ouest, rue de l'échaudée à l'est et rue Gozlin au sud (la rue a quasiment disparue, effacée par le boulevard Saint-Germain).

A noter encore, les immeubles démolis par la ville de Paris aux abords de l'Institut pour élargir un peu la chaussée (parcelles jaune clair).

(Plan de Paris, aujourd'hui)